Pour vous qui suis-je? Belle question. Qui est le Christ pour moi? Le libérateur, le guérisseur, le pourvoyeur de grâces. L’homme qui a toutes les solutions à chaque problème. Ou encore : celui qui nous invite au dépassement, qui nous amène constamment aux limites de nos capacités pour nous faire développer de nouvelles richesses personnelles.
Et si le Christ était tout ça. Chose certaine : chaque personne a besoin de plus d’amour qu’elle n’en mérite… et c’est la façon dont on relève les défis quotidiens qui attestent si nous sommes habités par le Christ. Notre vision de Dieu est teintée par notre regard sur la vie, sur les personnes et sur les événements.
On raconte qu’à l’époque où Léonard de Vinci peignait le tableau de la dernière cène qu’il cherchait des personnages vivants pour illustrer le Christ et les apôtres. Facile d’approcher quelqu’un pour lui demander de servir de modèle pour peindre le Christ ou encore Pierre, Jacques ou Jean. Mais moins évident de demander à une personne de servir de modèle pour Judas. D’autant plus que Léonard cherchait quelqu’un dont le visage exprimait toutes les formes du vice.
Après avoir cherché plusieurs mois dans les tavernes et les lieux d’itinérance, alors qu’il est en repos dans un parc, il aperçoit un homme assis sur un banc un peu plus loin. Il l’examine et il se dit : voilà mon Judas. Il s’approche du gars et commence à lui parler doucement pour ne pas l’insulter et il finit par lui poser la fatidique question : « Voulez-vous me servir de modèle pour peindre Judas? » L’homme lui répond : « Je le veux bien si tel est votre besoin, mais regardez-moi comme il faut : vous m’avez demandé de peindre le Christ pour cette même toile il y a déjà deux ans… »
L’homme n’avait pas changé, mais les préoccupations de Léonard de Vinci n’étaient plus les mêmes. Souvent ce qui nous habite l’esprit teint notre perception de la réalité : notre perception de nous-mêmes, l’anxiété sous toutes ses formes, l’incertitude, la peur de ne pas être aimé…
« Pour vous qui suis-je? » Et si une question préalable à cette question était simplement : « Pour moi, qui suis-je? » Voilà un beau travail intérieur pour les prochains jours. Chose certaine : la foi n’est pas un savoir scientifique, mais une affaire de cœur. Dieu est-il quelqu’un qui attend des résultats et de la performance ou quelqu’un qui encourage à mordre dans la vie, à avoir un idéal à atteindre, à constamment faire de nos vies des chantiers de nouveautés et d’émerveillement (ce qui demeure le secret de l’éternelle jeunesse).
Gilles Baril, curé