Matthieu 25, 31-46)
Un célèbre sculpteur brûlait d’envie de réaliser une statue du Christ qui soit la plus belle de tous les temps. Il se rendit dans son atelier, situé près de la mer, et il commença par façonner un modèle en argile. Il voulait donner à sa sculpture un aspect triomphant et royal. La tête était envoyée par en arrière, et les bras étaient élevés dans un geste de grande majesté. En regardant son modèle, le sculpteur était ravi : son Christ avait vraiment l’air fort et puissant.
Durant la nuit, cependant, un épais brouillard et une grande humidité entrèrent par les fenêtres de l’atelier et endommagèrent sérieusement le modèle d’argile. Toute la glaise s’était ramollie et déformée.
Lorsque le sculpteur revint au matin, il fut découragé. Tout son travail était ruiné. Il avait gaspillé son temps et ses efforts et maintenant, il fallait tout recommencer. Mais, en regardant de plus près, notre sculpteur découvrit autre chose. En s’affaissant, la tête du Christ avait pris une attitude d’humilité. Sur le front, des gouttelettes d’eau faisaient penser à du sang. Le visage n’avait plus son air sévère, mais un air compatissant. Et les bras étaient retombés dans une position d’accueil. En regardant son modèle détérioré, le sculpteur s’aperçut qu’il avait devant lui, non pas le Christ triomphant et plein de puissance qu’il voulait faire, mais le Christ défiguré, le vrai Christ; celui de l’Évangile. Il venait de réaliser la plus belle statue du Christ de tous les temps.
Quand le Christ a vécu parmi nous, il n’a pas voulu s’identifier aux puissants et aux riches, mais aux pauvres et aux blessés de la vie. C’est pourquoi nous sommes interpelés sur notre façon d’accueillir ceux qui manquent du nécessaire pour être heureux : notre disponibilité et notre capacité de nous investir en Dieu. Beaucoup de gens disent : « Je n’ai pas besoin d’aller à la messe, c’est la charité qui compte ». Ils ont raison maisil ne faut pas se faire des illusions : il n’est pas naturel de toujours se laisser déranger pour rendre service, pour poser des actes de charité sans rien attendre en retour. Pour persister dans le don de soi, ça prend une vie intérieure bien nourrie et ça prend également une appartenance réelle à une communauté. Personne ne peut sauver le monde tout seul, à moins de se retrouver sur la croix.
Jadis on chantait à la fête du Christ-Roi : « Parle, commande et règne ». Aujourd’hui on chante : « Se lever chaque jour et servir par amour, comme Lui ».
L’important est de faire tout ce qui nous est possible pour que personne ne souffre inutilement autour de nous. C’est alors qu’on peut entendre en écho lointain : «Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde ». Rappelons-nous dans le même sens, cet autre passage de l’évangile où Jésus dit : « Réjouissez-vous non pas pour le bien que vous avez fait, mais parce que votre nom est inscrit dans le cœur de Dieu ». (Luc 10, 20)
Gilles Baril, curé